"Le Cri du peuple" : que désigne ce titre ?
A l'instar du père Duchêne, le cri du peuple est un des 70 journaux créés en 1871, lors de la Commune. Il a sans doute été le quotidien le plus lu dans la capitale insurgée. Le journal a disparu, mais le nom est resté, avec toute sa force évocatrice, capable d'inspirer des créations littéraires et de servir encore aujourd'hui de bannière de ralliement à la contestation.
Le cri du peuple de Vallès
Le cri du peuple est lié à un contexte particulier. Dans la guerre qui oppose la France à la Prusse en 1870, Paris a subi un long siège et les parisiens, la famine. L'armistice n'est pas compris par un peuple qui s'est bien battu et qui ne se reconnaît pas dans la nouvelle Assemblée (royaliste et bonapartiste) mise rapidement en place en février 1871. Ce nouveau pouvoir prend des mesures qui renforcent la misère (suppression de la solde des gardes nationaux, des moratoires sur les effets de commerce, etc.). Il se méfie du peuple et le 17 mars, fait arrêter Blanqui et envoie la troupe s'emparer des canons de Montmartre. C'est le début d'une insurrection qui donnera lieu à une tentative de gouvernement autonome de la capitale et s'achèvera dans le sang le 28 mai. Le cri du peuple, créé par Jules Vallès le 22 février, interdit de publication le 12 mars pour mieux reprendre le 18, accompagne ce mouvement. C'est une simple feuille grand format, à 5 colonnes, tirée jusqu'à 100000 exemplaires, qui raconte les événements, sans complaisance pour Thiers et pour l'Assemblée. Le journal sera relancé par Jules Vallès en 1883, à son retour d'exil.
Les reprises littéraires
La Commune a inspiré bien des auteurs, à commencer par Victor Hugo dès 1872 avec l'année terrible. Jules Vallès la racontera aussi dans l'Insurgé en 1886. Ce n'est pourtant que récemment que l'histoire de la Commune a été écrite, en utilisant le nom du Cri du peuple. Jean Vautrin en fait un roman en 1998, qui inspirera la BD le cri du peuple de Tardi. Cette dernière comprend 4 tomes, publiés entre 2001 et 2004 chez Castermann. Le premier, "les canons du 18 mars", a reçu en 2002 le prix du meilleur album et du dessin à Angoulême. Il a été suivi par "l'espoir assassiné", "les heures sanglantes" et enfin, "le testament des ruines".
La dimension politique actuelle du cri du peuple
Le cri du peuple, dans son expression, garde la trace de cette insurrection populaire. Cela explique sans doute sa survivance, voire son renouveau, dans le cadre de mouvements contestataires, anarchistes ou gauchistes. Il est ainsi repris dans le nom de certains blogs ou journaux, voire par des compagnies théâtrales à l'exemple de "Jolie môme" (la barricade).